Dans quel pays est né le vin ? Les recherches vont bon train mais aux dernières nouvelles (en 2017), différentes sources confirment qu’il vit le jour il y a plus de 8 000 ans, au Néolithique, dans l’actuelle Géorgie. Dix ans auparavant, des archéologues découvraient, en Arménie, dans les ruines d’une « cave » vieille de plus de 6 000 ans, le spécimen le plus abouti en matière de vinification. Cela dit, la course au titre de « berceau du vin » est loin d’être terminée.
Le botaniste soviétique Nikolaï Vavilov (1887-1943) aurait affirmé le premier que la plus ancienne « culture du vin » du monde naquit en Transcaucasie. Elle comprend, au sud du Caucase, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ses voisins méridionaux étant l’Iran et la Turquie. Elle est délimitée au nord par la Ciscaucasie (Caucase du Nord ou encore Caucase septentrional) situé en Russie.
Résidu d’acide tartrique et de résine sur les parois d’une jarre de 7000 ans déterrée en 2015 dans les Monts Zagros en Iran ; traces de pépins de raisins et de vigne domestiquée mises à jour à Cayönü en Turquie 6000 ans avant J.C. ; vestiges signalés en Egypte vers – 3000… les révélations sur l’origine de la production de vin n’ont pas fini de faire parler d’elles. D’autant que les méthodes, matériels et techniques scientifiques pour tenter de dater les résidus laissés par le jus de la treille sont de plus en plus pointus et performants : biochimie, microscope haute résolution, analyse de l’ADN des raisins, datation au carbone, archéologie moléculaire, paléobotanique, paléogénétique, morphométrie etc.
A l’époque de la parution en 2016 du livre Naissance de la vigne et du vin par Patrick E. McGovern, professeur d’anthropologie connu pour ses nombreux articles et ouvrages* sur le vin, c’est à Areni en Arménie, en 2007, dans la province de Vayots Dzor, que fut découvert le modèle le plus abouti et complet de production viticole. Dans une grotte abritant les accessoires nécessaires à la vinification et à l’élevage. « Vieille de plus de 6100 ans, elle contient des vestiges de jarres avec des traces chimiques de vin, des raisins séchés, des sarments, des pépins et un pressoir rudimentaire », précise l’auteur. Elle hébergerait également des traces de vigne domestiquée, des contenants de stockage, des outils de vinification, un fouloir en argile équipé d’un conduit menant le moût vers une cuve de fermentation.
Ces vestiges dévoilés entre 2007 et à 2011 par des archéologues prouvaient donc la production de vin en 4100 avant l’ère chrétienne. D’aucuns dont l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV) déclarèrent dès lors l’Arménie, berceau de la viticulture.
Mais c’était sans compter sur la pugnacité de la Géorgie, très attachée à cette prérogative, au point de générer de nouvelles fouilles. En 2017, de sacrés trouvailles la conforteront ainsi dans son titre de « berceau mondial des civilisations du vin ».
Le site inne.cnrs.fr rapporte un article paru en novembre 2017, dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Siences, essentiellement écrit d’ailleurs par le même Patrick McGovern. Le directeur scientifique du laboratoire d’archéologie biomoléculaire pour la cuisine, les boissons fermentées et la santé du musée de l’université de Pennsylvanie à Philadelphie y affirme en effet que la plus ancienne production de vin revient désormais à la Géorgie actuelle, au début du Néolithique, il y a plus de 8 000 ans. L’analyse chimique a relevé des traces de vin dans « huit jarres en céramique datées d’environ 6000-5800 ans avant notre ère » précise-t-il. Cette analyse de résidus a dévoilé la présence d’acide tartrique (signature de la vigne, du raisin, du vin), d’acide malique (présent dans le jus de raisin), d’acide succinique (obtenu lors de la fermentation alcoolique) et d’acide citrique (que l’on trouve naturellement dans le vin).
Les 8 grandes jarres dénichées à environ 50 kilomètres de Tbilissi, la capitale de la Géorgie, ont également révélé qu’elles pouvaient contenir jusqu’à 300 litres de vin chacune, ce qui laisse supposer une importante production de vin. Par ailleurs, ni résine ni additifs (miel, herbes aromatiques et médicinales, céréales) n’ont été trouvés dans les contenants, alors que ces ingrédients seront communément présents par la suite dans le vin au Proche-Orient et en Méditerranée. Le site inne.cnrs.fr souligne encore que la « Géorgie actuelle est un exemple saisissant de culture vinicole plongeant ses racines dans un passé lointain ».
Notons que ces découvertes ont impliqué des chercheurs du Canada, du Danemark, d’Israël, d’Italie, des Etats-Unis, de Géorgie et, en France, de l’Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier et du laboratoire Amélioration génétique et adaptation des plantes méditerranéennes et tropicales.
Les récipients provenant du site Néolithique de Géorgie sont proches des Qvevri ( grandes jarres d’aujourd’hui). Le mode de vinification traditionnel du pays, inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco depuis 2013, ressemble à celui d’autrefois. Il consiste à presser les raisins puis à verser le jus, les peaux, les rafles et les pépins dans le Qveri qui est scellé et enfoui dans le sol afin que le vin fermente pendant 5 à 6 mois sous terre.
Bon à savoir : si la Géorgie compte plus de 500 cépages indigènes, une trentaine seulement est utilisée pour la vinification. Sur les 8 régions viticoles du pays, Kakheti, à l’est de la Géorgie moderne, produit 70 % des raisins.
*Naissance de la vigne et du vin, Patrick E. McGovern, Ed. Libre & Solidaire, 2016 ; Uncorking the Past : the quest for wine, beer and other alcoholic beverages, Ed. University of California Press, 2009 ; The Origins and ancient history of wine : food and nutrition in history and anthropology édité par Patrick E. McGovern, S. J. Fleming, S. Katz, Gordon et Breach, 1995.
Quelques sources : www.inrap.fr ; www.oiv.int.fr ; www.inne.cnrs.fr ; www.vingeorgie.com ; www.musee-virtuel-vin.fr….
Koncho & Company, Kvareli 2019, Géorgie
Municipalité de Sagarejo, Kvareli est un village planté dans la région de Kakhétie, là d’où est originaire le cépage saparevi façonnant ce vin à 100 %. Il se drape dans une robe grenat. Le nez très expressif, de poivre et fruits noirs (cerise, prune), est suivi par une attaque suave et un milieu de bouche musclé. Elevé 12 mois en fût, ce jus particulièrement savoureux, rond, vif, fruité, acidulé, se révèle presqu’addictif tant la bouche en redemande. Délicieux avec une viande en sauce, en apéro pourtant, il se suffit à lui-même grâce à ses tanins délicats, ses notes de cannelle au nez comme en bouche, sapide.
13 % – Note : 17/20 – 17,50 € sur vinatis.com
Tushpa, Haghtanak, rouge 2020, Ararat Valley, Arménie
Lorsque l’Union Soviétique s’est effondrée, Mihran Manasserian a acheté un terrain pour y construire son domaine viticole en 1992 et produire des vins dans le plus grand respect de la tradition viticole ancestrale. A 35 km de Erevan et près de 800 mètres d’altitude, le vignoble s’étire sur 6 hectares. La propriété fournit le Pape François. A ce titre, elle s’enorgueillit de la bénédiction apostolique qui lui a été décernée.
Originaire de l’Ararat Valley, l’haghtankak est le seul cépage utilisé dans ce vin issu d’une fermentation spontanée. Il a ensuite patienté 7 mois en fût de chêne du Caucase. La robe opaque, noire comme de l’encre annonce, avec ses reflets violacés, la jeunesse et la concentration qui vont se confirmer en bouche vive et tannique, juteuse, souple, onctueuse, corsée et très fruitée, légèrement boisée, aux saveurs de vanille, cerise et cassis. Un beau vin de longue garde assurément.
13,5 % – Note : 15/20 – 19 € sur tushpawines.com